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jeudi 20 septembre 2012

La mafia ontarienne sous la loupe

Mis à jour le: 20 septembre 2012 04:21 | par François Messier, www.radio-canada.ca




COUVERTURE EN DIRECT - Des groupes associés aux principales organisations mafieuses italiennes infiltrent l'économie légale en Ontario, et notamment l'industrie de la construction, a affirmé jeudi devant la commission Charbonneau l'enquêteur Mike Amato de la police de la région de York.
Dans un témoignage qui aura duré environ 90 minutes, le détective Amato a révélé que les mafias calabraise et sicilienne, la 'Ndrangheta et la Cosa Nostra, étaient particulièrement actives. La première compte plus de membres, a-t-il dit, mais il n'est pas certain qu'elle soit plus prospère pour autant.
« Il semble que la Cosa Nostra et la ‘Ndrangheta coexistent dans la ville de Toronto [...] et s'entraident dans leurs entreprises criminelles. Parfois, il y a des conflits, des meurtres, il y a des corps. C'est rapporté, c'est documenté », a déclaré M. Amato. « Mais d'après ce que nous voyons, les deux groupes ont réussi à garder un profil bas. Le niveau de violence n'est pas si grand »
Selon le détective ontarien, les mafieux d'aujourd'hui ont réussi à mettre sur pied des entreprises parfaitement légales, reproduisant ainsi le « modèle d'affaires » des organisations criminelles italiennes auxquelles ils sont associés.
« Beaucoup de gens que nous avons identifiés, que nous soupçonnons de faire partie de la 'Ndrangheta ou la Cosa Nostra, gèrent des entreprises légales, allant de centres de jardinage à des institutions financières, en passant par des boulangeries, des services de limousine, des entreprises de gestion de déchets, des banquets, des boîtes de nuit », a dit M. Amato.
« Il n'y a pas de limite à ce qu'ils peuvent faire. Ils ont besoin de ces entreprises légales pour blanchir leur argent [...] et ça leur permet de justifier leur richesse », a-t-il poursuivi.
« Si vous faites du trafic de drogues, du kidnapping, de la manipulation boursière, que vous avez tout cet argent et que vous roulez en Bentley ou en Lamborghini, ça peut attirer l'attention des policiers ou de Revenu Canada. Mais si vous avez une entreprise légitime pour masquer votre richesse, vous pouvez vous cacher derrière ça », a affirmé M. Amato.
Ces entreprises, a-t-il expliqué, leur permettent non seulement de blanchir de l'argent obtenu illégalement - grâce au trafic de drogues, à des paris illégaux ou à de l'extorsion - mais aussi d'avoir des antennes dans leur communauté.
« Quand vous êtes engagés dans la vie criminelle, l'une des choses que l'on vous apprend, c'est que vous devez manipuler des gens dans la vie publique. Une des plus grandes sources de revenus qu'ils peuvent avoir provient du Trésor public. Alors si vous avez la possibilité de manipuler quelqu'un, de devenir ami avec lui, et d'obtenir un bénéfice personnel de cette relation... », a-t-il laissé tomber sans terminer sa phrase.
Dans le domaine de la construction en Ontario, par exemple, des groupes mafieux sont présents dans tous les secteurs, a expliqué le détective ontarien, en évoquant plus précisément des entreprises de camionnage, d'excavation ou de constructions de maisons.
Le fait que ces groupes ont facilement accès à du capital les aide à créer des entreprises bénéficiant d'un avantage concurrentiel certain sur d'autres entrepreneurs, qui doivent plutôt négocier avec les institutions bancaires. Qui plus est, les entreprises ainsi créées n'ont pas le même besoin de faire des profits que les autres, puisqu'elles servent d'abord à blanchir de l'argent obtenu illégalement.
M. Amato a aussi affirmé que les organisations mafieuses québécoises et ontariennes arrivent à coexister pour l'essentiel. Des tensions existent bel et bien entre elles, mais elles cherchent plutôt à régler leur conflit afin d'éviter d'attirer l'attention de la police.
Dans certains cas, a-t-il dit, un groupe mafieux peut même investir dans une entreprise démarrée par un autre. L'opération Colisée, a-t-il dit, a par exemple démontré que des groupes ontariens ont investi dans des affaires gérées par la famille Rizzuto.
Ces groupes sont devenus si sophistiqués qu'ils peuvent même s'adonner à de la manipulation boursière, une autre activité ayant l'avantage d'être aussi lucrative que discrète.
Ces activités sont par ailleurs plus difficiles pour les forces policières, dont les efforts sont davantage concentrés sur les crimes avec victimes, comme des vols, des feux, des voies de fait, etc.
Leur richesse leur permet en outre d'échapper au regard de la police. « Ces gens-là voyagent en classe affaires, ils sont au courant des techniques d'enquête policière. Ils savent que s'ils doivent se rencontrer, ils n'ont pas à le faire dans une maison de la ville: ils prennent un billet d'avion et se rencontrent à Genève ou à New York ou à Aruba. C'est difficile pour moi ou pour d'autres enquêteurs de suivre des gens qui ont ces possibilités », a-t-il dit.
M. Amato devait témoigner mercredi, mais n'a pu se présenter pour des raisons qui n'ont pas été divulguées. Son absence avait contraint la commission Charbonneau à suspendre ses travaux plus tôt que prévu mercredi.
La CAQ demande le statut de participant
En après-midi, un avocat mandaté par la Coalition avenir Québec, Me Jean-Pierre Bélisle, a demandé le statut de participant pour le parti de François Legault. Le procureur en chef de la commission a rétorqué qu'à son avis, le statut d'intervenant serait plus approprié.
Le statut de participant permet de contre-interroger directement les témoins. Les parties qui ont le statut d'intervenant doivent soumettre leurs questions aux procureurs, qui la posent aux témoins en leur nom.
Me Bélisle a notamment argué que la CAQ était maintenant un groupe parlementaire reconnu, puisqu'elle a au moins 12 députés à l'Assemblée nationale, qu'elle a reçu 1,2 million de votes le 4 septembre dernier, et qu'elle peut poser « les vraies questions » susceptibles d'aider les commissaires à rédiger leur rapport.
Le procureur en chef de la commission, Me Sylvain Lussier, a fait valoir que le Pati québécois avait obtenu le statut de participant parce qu'il a exercé le pouvoir au cours de la période couverte par le mandat de la commission Charbonneau (1996-2011), ce qui ne s'applique évidemment pas à la CAQ.
Me Lussier a noté que John Gomery avait refusé un statut de participant au Parti conservateur et au Bloc québécois lors de la commission d'enquête déclenchée dans la foulée du scandale des commandites, en arguant notamment qu'il n'était pas évident qu'un parti politique opposé au parti au pouvoir avait d'autres intérêts que ses intérêts partisans.
La commissaire Charbonneau a pris la cause en délibéré. Elle a dit qu'elle rendrait sa décision d'ici la fin de la journée ou demain après-midi.
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