Par Radio-Canada, www.radio-canada.ca,
Mis à jour le: 19 juin 2012 01:41
Après avoir quitté l'Unité anticollusion (UAC) l'automne dernier, Jacques
Duchesneau a continué d'enquêter de manière « personnelle et bénévole » sur la
façon dont les partis politiques sont financés par des constructeurs et des
firmes de génie-conseil.
Poursuivant son témoignage devant la commission d'enquête sur l'industrie de
la construction, M. Duchesneau a révélé qu'il a rencontré 13 témoins sur une
période de quatre mois suivant son départ de l'UAC.
« Pour ces personnes, il existerait un système de combines au Québec. Le
financement populaire des partis politiques, pour eux, ça n'existerait pas. Tout
l'argent amassé proviendrait de manigances, de stratégies de complaisance et
d'arrangements », a-t-il affirmé.
« Dans le premier rapport, on vous a [dit] que oui, il y avait du
financement, mais qui était plus du push , c'est-à-dire que des firmes
d'ingénierie ou des entrepreneurs en construction pousseraient l'argent vers le
haut », a-t-il relaté.
« Ce que j'ai appris dans les quatre derniers mois, quand j'ai rencontré ces
témoins, c'est qu'on est plus dans une politique de pull : c'est-à-dire
que les gens qui sont en fonction d'autorité demandent de l'argent aux firmes de
génie et aux entrepreneurs en construction », a-t-il poursuivi.
« Le système est bien ancré. On [dit] par exemple que 70 % de l'argent
consacré aux partis politiques au provincial ne serait pas issu de dons
officiels enregistrés. C'est-à-dire qu'il y a de l'argent sale qui permet de
faire des élections. [Aussi], 65 % des pots-de-vin sont aussi là pour engraisser
non pas les partis politiques, mais les gens qui font de la politique, notamment
par le biais de cocktails de financement », a affirmé Jacques Duchesneau.
« Le Directeur général des élections du Québec était parfaitement au courant
des personnes que je rencontrais et je lui faisais rapport », a encore dit le
premier témoin vedette de la commission, qui en est à sa quatrième journée à la
barre des témoins.
Selon M. Duchesneau, certains témoins rencontrés viendront témoigner devant
la commission Charbonneau.
Les spécialistes des "extras"
Pierre Bédard, de la firme Nielson, et Michel Marchand, de l'entrepreneur
EBC, sont des spécialistes de l'obtention des « extras » au ministère des
Transports du Québec (MTQ), a-t-on appris précédemment appris dans le cadre de
la commission d'enquête.
Les deux noms ont été révélés par Annie Trudel, agente de renseignements à
l'Unité permanente anticorruption (UPAC), qui témoigne aux côtés de Jacques
Duchesneau. L'enquêteur Martin Morin de l'UPAC est aussi à la barre des témoins.
Mme Trudel avait mentionné lundi que les enquêtes de l'UAC avaient identifié
deux personnes qui obtenaient des commissions de 10 % sur les réclamations
qu'elles réussissaient à obtenir auprès du MTQ pour des « extras ».
Si les firmes Nielson et EBC font plus de réclamations que les autres, a
précisé Annie Trudel, ce n'est pas parce qu'elles obtiennent plus de contrats.
La proportion de leurs contrats qui font l'objet de réclamations est vraiment
plus élevée que les autres.
Des retards à la commission
L'audience de la commission Charbonneau s'est ouverte à 10 h 35, plutôt qu'à
9 h 30 mardi.
Le procureur Claude Chartrand a d'abord demandé et obtenu un délai afin de
pouvoir déterminer s'il allait déposer en preuve des documents qu'il venait tout
juste de recevoir.
Au retour, l'avocat des témoins, Me Marco Labrie, a pris la parole pour
interroger la commission au sujet de l'immunité dont jouissent ses clients.
Un article du quotidien La Presse a avancé qu'ils ne bénéficaient
d'une immunité que pour les poursuites pénales et criminelles.
Le procureur en chef de la commission, Me Sylvain Lussier, a expliqué
qu'après étude, il appert en fait qu'à son avis, cette immunité couvre aussi les
poursuites au civil, ce qui inclut les poursuites en diffamation qui pourraient
suivre des témoignages.
Me Labrie a demandé l'opinion de la juge Charbonneau. Celle-ci a fait valoir
qu'il ne lui appartient pas de donner un avis juridique, et qu'elle n'a pas le
pouvoir de statuer sur l'immunité des témoins. Mes pouvoirs, a-t-elle dit, sont
ceux conférés par la Loi sur les commissions d'enquête.
Me Labrie a alors demandé un autre délai de 5 minutes pour discuter de cette
situation avec ses trois clients. L'audience a finalement repris à 10 h 35.
Le rapport Duchesneau, page par page
Le procureur Claude Chartrand, qui mène l'interrogatoire, a continué en
matinée d'éplucher le rapport que Jacques Duchesneau a remis au ministre des
Transports Sam Hamad en septembre 2011, avant de le remettre à une journaliste
de crainte qu'il n'aboutisse sur une tablette.
Tout comme il l'a fait lundi, Me Chartrand s'est attardé essentiellement aux
citations mises en exergue du rapport, et qui rapportent soit des pratiques
douteuses dont l'UAC a eu vent, soit des citations de responsables qui jettent
un éclairage sur les pratiques du ministère des Transports du Québec (MTQ).
Les questions du procureur et des commissaires France Charbonneau et Renaud
Lachance sont généralement de deux ordres : qui vous a donné cette information?
quelles sont les entreprises en cause?
Le rapport de Jacques Duchesneau s'était en effet borné à expliquer toute une
série de manigances impliquant des firmes de génie-conseil et des entreprises de
construction, mais aucun nom de compagnie n'y figurait.
Les questions ne donnent pas toujours lieu à des réponses. Les témoins
rétorquant souvent qu'ils ne peuvent divulguer le nom de leurs sources, parce
qu'elles ont requis l'anonymat, et qu'elles ne peuvent nommer des entreprises,
puisque l'affaire dont il est question se trouve devant les tribunaux.
Certaines entreprises impliquées dans des stratagèmes douteux mis au jour par
l'UAC ont néanmoins été identifiées lundi.
Un article de François Messier
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