V=LE CHANT DES
CASSEROLES QUEBECOISES = LE HIFI DU PEUPLE ?
La voix du
Québec s’exprime sur les problèmes du monde estudiantin
MICHEL
BERTRAND
Isidore Grao
Le, 7 juin
2012
Interview le 27 mai
2012
Liminaires : Depuis plus de cent jours la
colère des étudiants québécois grandit. De grandes manifestations ont eu lieux.
Ces manifestations, loin de se calmer, au contraire, ont dégénéré dans une forte
contestation politique du gouvernement libéral. Au début il ne s’agissait que de contester une
augmentation de 75 % des frais de scolarité. Mais on assiste maintenant à un
dialogue de sourds et à des rapports de force. Et pourtant lors de votre
dernière interview vous déclariez que vous ne partagiez que partiellement la
cause des étudiants. Ai-je bien résumé les prémices de cette
agitation ?
MB : Au départ j’étais plus ou
moins d’accord avec la grève des étudiants, mais maintenant je suis entièrement
en faveur de cette grève. C’est vrai qu’une augmentation de frais de 75 % en
cinq ans, passée ensuite à 82% en sept
ans, c’est tout à fait inadmissible. Si ce n’est que maintenant il ne s’agit
plus d’une grève d’étudiants, c’est devenu une contestation populaire ! Une
contestation de colère envers la corruption et la magouille et envers la mafia
gouvernementale.
IG : Mais 75 % d’augmentation
imposée sur ces frais me semble être un taux important de majoration. Certes on
dira que les frais de scolarité québécois n’ont aucune mesure avec ceux
pratiqués dans les autres provinces canadiennes, ou a fortiori avec ceux
pratiqués aux USA ! A votre avis est-ce que ce taux d’augmentation est-il
justifié ?
MB : On compare souvent
l’organisation du Québec avec les autres provinces. Il ne faut pas oublier une
chose, le taux d’imposition ici au Québec est plus important que n’importe où
ailleurs, dans le Canada. On est un des endroits les plus taxés au monde.
Deuxièmement on parle de la durée d’éducation, on est la seule province qui ait
un CEGEP ! Donc si on ajoute les années d’éducation supplémentaires aux
étudiants québécois comparativement aux autres, cela relativise les frais de
scolarité ! On parle souvent de prêt et de bourse. Ce que l’on ne sait pas
d’ailleurs c’est que ce sont les prêts
qui vont augmenter, et non pas les bourses. Donc évidement comme on est les plus
taxés, les étudiants québécois finissent par payer beaucoup plus cher
qu’ailleurs !
IG : A cette seconde question
j’émettrais deux réserves. La première concernant l’importance des frais de
scolarité aux USA ce serait méconnaître les difficultés financières de ces
étudiants étrangers dont un article récent indiquait que certains d’entre eux
étaient en état de faillite. Etre déclaré en faillite me semble déjà un summum
d’incohérence, surtout pour ceux qui n’ont pas commencé à travailler.
Deuxièmement, il faut bien reconnaître qu’une fois les études achevées, le
niveau des salaires US sont de beaucoup supérieurs à ceux du Québec, et de ce
fait permettent des remboursements plus rapides des prêts, ce qui finit là aussi
par relativiser les fortes sommes réclamées. Il faut aussi remarquer que les
bourses aux USA sont plus nombreuses et
plus élevées que celles accordées au Québec. Suis-je dans la vérité et si oui
quel est votre avis ?
MB : Je partage votre avis
quoiqu’au Québec ce ne soit pas mieux qu’ailleurs ! On a en effet l’impression
que les étudiants québécois paient beaucoup moins chers qu’ailleurs leurs
études. Connaissez-vous la procédure d’obtention des prêts accordés aux
étudiants ? L’étudiant doit, en premier lieu, s’adresser à l’Etat qui va se
porter garant du prêt, mais c’est la banque qui va lui prêter l’argent moyennant
un intérêt reversé intégralement à la banque. Cette dernière joue gagnante à
tous les coups, premièrement elle reçoit un intérêt de l’étudiant sans prendre
aucun risque financier car en cas d’insolvabilité de l’étudiant c’est l’Etat qui
remboursera la banque en l’occurrence, les caisses populaires. Est-ce que vous
imaginez le gain pour la banque ? Alors une question ? Pourquoi l’Etat fait des
cadeaux aux banques ? Pourquoi l’Etat qui se déclare caution ne pourrait-il
pas avancer l’argent aux étudiants et se
faire rembourser par eux, et donc conserver les intérêts pour se rémunérer du
service rendu ! Ce qui permettrait de plus en plus aussi de financer les études
des étudiants sans avoir à les augmenter comme ils veulent le faire
actuellement. L’Etat aide les banques à se faire de l’argent sur le dos des
étudiants ! On est en plein libéralisme économique. Alors je pose une question :
Où est la démocratie dans tout cela ? Il n’y a donc pas à s’étonner que les
banques malgré la période de crise actuelle, annoncent des profits records. C’est un peu comme ce qui se passe avec les
minières, on donne tout et on ne garde rien. Où est la logique dans ce système ?
Et ensuite on dit que le Québec n’a pas d’argent.
IG : Le gouvernement libéral
Charest a justifié cette forte augmentation afin de permettre de conserver le
budget du Québec en équilibre. Je ne croyais pas que les quelques dollars
supplémentaires demandés aux étudiants auraient une telle conséquence ? Mais
alors si le Québec est un pays pauvre financièrement alors qu’il regorge de
ressources naturelles : uranium, pierres précieuses, pétrole, la question
devient : « Où va l’argent de ces richesses
naturelles ? ».
MB : Ca va chez les lobbies, ça
va chez les amis du système, ça va pour les multinationales, ça va pour les
minières, enfin pour tous ceux qui sont
copains avec le gouvernement tout simplement, mais jamais au grand jamais, ça ne
revient au peuple. Je ne comprends pas que les Québécois soient endormis au
point de s’asseoir dans leur salon écouter des nouvelles « bidon » pour les
faire endormir totalement en se disant alors j’ai des impôts à payer, je vais
donc aller docilement les payer et je vais faire ce que le bon gouvernement me
dit de faire. C’est ridicule ! N’importe quel pays sur la planète se
révolterait. On parle de la casse qu’ont occasionnée les casseurs ici à
Montréal ! Il faut savoir que lors de ces manifestations, il n’y a eu que
quelques vitrines brisées, dans d’autres pays ce serait carrément mettre le
territoire à feu et à sang.
IG. Quand vous dites le
Gouvernement s’en met plein les poches,
mais il faut remarquer qu’avec la règle de l’alternance en politique, tantôt
c’est le PLQ qui gouverne, tantôt c’est le PQ ! Donc cela concernerait aussi le
PQ ?
MB : Moi je crois qu’il faudrait
revoir le système politique intégralement. Dans nos précédentes interviews,
j’avais déjà déclaré que les québécois étaient blasés par la classe politique,
et ne croyaient plus les politiciens. On est tellement habitué à la corruption,
aux magouilles ! C’est devenu tellement cynique que les gens continuent à payer
les impôts avec le sourire un peu comme M. Bachand le
ministre de Revenu Québec a demandé de le faire. C’est devenu tellement ridicule
que plus personne ne croit à personne ! Qu’on prenne Mme Marois, qu’on prenne M. Charest, peu importe qui on va
mettre à ce poste de Premier ministre. On est rendu que l’on ne choisit plus le
meilleur mais plutôt le moins mauvais !
IG : Vos accusations sont
graves !
MB : Oui mais écoutez, c’est peut
être grave mais la réalité du Québec en est rendue à ce point-là ! Je désespère
d’attendre que des gens intègres vont
enfin se présenter en politique pour parler des vraies affaires pour de vraies
raisons. Plus on avance dans le temps et plus c’est désespérant de voir la
politique au Québec. Il n’y a plus personne qui s’occupe des problèmes de la
population, tout le monde est là pour les amis du pouvoir. Ensuite on est
surpris de constater que les citoyens se promènent avec des casseroles à
Montréal pour faire du bruit, c’est d’ailleurs tout ce qu’on est capable de
faire ! Faire du bruit avec des casseroles vides puisqu’il nous reste plus rien à mettre
dedans!
IG : D’autant que M. Charest veut
maintenant développer le Plan Grand Nord, à cause des richesses naturelles que
ce territoire recèle. Croyez-vous que conformément aux promesses faites, le
peuple Québécois pourra bénéficier des retombées économiques qui devraient leur
faciliter leur vie et que le budget du Gouvernement pourra retrouver son
équilibre ? Dans le cas contraire, à quoi ou à qui serviraient les grands
investissements prévus à cet effet ?
MB : Aux 1% des richards de la
planète. Moi ce que je trouve aberrant dans tout cela : on nous annonce un plan
nord qui va nous couter 8O milliards, on nous dit que cela va être générateur de
richesses, que tout le monde va en profiter. En fait on ne sait qui va profiter
de tout ceci, mais par contre on sait déjà que ce ne sera pas nous. Alors dans
ce cas expliquez-moi pourquoi on n’arrête pas d’augmenter les impôts ? Pourquoi
Montréal tombe en ruine, des tunnels et des ponts qui s’écroulent ! Pourquoi
a-t-on besoin d’augmenter les frais de scolarité avec un si fort pourcentage si
le Québec est si riche ? Alors pourquoi si le Québec est si riche, vider nos
poches entre temps ? Le plan Grand nord ne rapportera rien aux citoyens, on va
augmenter nos impôts pour pouvoir enrichir le 1 % de la planète.
IG : Les étudiants n’ont eu de
cesse de manifester leur mécontentement depuis le mois de février, et même d’une
manière de plus en plus violente aux cours des affrontements avec la police
municipale de Montréal, occasionnant de part et d’autres des blessés. Des bombes
fumigènes ont bloqué des métros. Au début M. Charest n’est pas intervenu
préférant laisser pourrir l’affaire comme lors d’un précédent soulèvement des
étudiants en 2005 ? C’est donc une stratégie qu’il connaît bien et qui lui a
valu une précédente victoire. Par contre il semblerait que cette fois-ci les
étudiants se montrent plus pugnaces dans leurs combats. Qu’en
pensez-vous ?
MB : Il faut avouer que je n’ai
pas conservé grand souvenir de ces événements de 2005. Effectivement ces
évènements de 2005 n’ont pas atteint la gravité que ceux que nous vivons
aujourd’hui. Mais il faut reconnaître, que selon certains politologues, les
étudiants d’aujourd’hui maîtrisent beaucoup mieux les notions de politique. Je
crois que le pourrissement du dossier si Charest ne veut pas s’impliquer
davantage risque de se transformer en crise de société. Mais par ailleurs il
faut avouer qu’avec Charest au pouvoir il s’en est passé tellement de choses
qu’il est impossible de tout se remémorer, tous les dossiers, tous les
problèmes, toutes les turpitudes. La liste des bévues du gouvernement serait
tellement longue avec toutes les magouilles qu’évoquer l’année 2005 équivaut à
évoquer en quelque sorte la préhistoire.
IG : Oui mais alors comment
peut-il se faire qu’un Premier ministre qui ait commis tant de bévues ait pu en
2008 lors des précédentes élections en sortir vainqueur ? Et « cerise sur le
gâteau », non seulement une victoire, mais une victoire avec un gouvernement
majoritaire. C’est évident qu’un
gouvernement majoritaire ne rencontre aucune opposition efficace et ne risque même pas un vote de censure ?
Dès lors le Premier Ministre peut se prévaloir de la volonté du peuple ? Qu’en
pensez-vous ?
MB : Oui mais cette majorité lui
est contestée, car il n’a été majoritaire qu’avec 20 % des voix. A ce sujet
j’aimerais beaucoup qu’il existe au Québec une personnalité politique
suffisamment importante qui puisse relativiser des résultats aussi médiocres !
Le gouvernement de Charest peut faire ce qu’il veut dans sa province et ce sans
risquer aucune sanction ! En démocratie il faudrait 50 % des votes plus une, là
nous n’avons que 20 %. Et ce taux si faible ne donne aucune légitimité à un
gouvernement. Moi je crois que les gens étaient tellement écœurés de la
politique que pour eux 20 % ne signifiait plus rien. Quand on sent que les gens
sont autant blasés de la politique, ça devient grave et cela pose un sérieux
problème de démocratie, ne croyez-vous pas ?
IG : Oui mais alors il faut que
les gens ne s’en prennent qu’à eux. S’ils ne vont pas voter, si l’abstention est
si forte et si on refuse de s’impliquer dans la vie politique, on ne récolte que
ce que l’on a semé. Ce n’est pas en refusant le conflit que les choses
changeront et les « petits pains » resteront des « petits pains ». A mon avis,
il faut s’impliquer davantage pour protéger la démocratie et la
mériter.
MB : Vous avez raison.
L’abstention en elle-même ne peut se justifier. Même que pour ma part j’aimerais
qu’au stade où nous sommes rendus, le gouvernement rende le vote obligatoire
sous peine d’amende. Je crois que les gens oublient bien facilement qu’un vote
est une obligation citoyenne et non un privilège
IG : Mais dans certains pays le
vote est obligatoire. Il me semble que la Belgique fait partie de ces
pays !
MB : Je vais vous conter mon
expérience. A une certaine époque de ma vie j’ai participé comme enquêteur au
recensement de la population québécoise. Ceux qui refusaient de me recevoir
malgré mes accréditations se voyaient infliger une amende car ils étaient
obligés de répondre au recensement. Par contre pour le vote, on considère que ce
n’est pas important, et les gens sont libres de voter ou de ne pas voter. Ce
n’est pas grave, considère-t-on mais pour moi c’est un
non-sens !
IG : De guerre lasse, face à une
opposition musclée des étudiants menée par trois associations différentes, dont
la plus importante au niveau de la notoriété, la CLASSE (Coalition Large de
l’Association pour une Solidarité Syndicale Etudiante), dont le leader est
Gabriel Nadeau Dubois M. Charest a pris une loi spéciale, loi n° 78. Cette loi
qui interdit tout regroupement, que ce soit tant dans le monde estudiantin que dans celui des
ouvriers. Cette loi que certains qualifient de liberticide a fini par rassembler
contre elle, les étudiants, les syndicats, et une large partie de la population
québécoise. Croyez-vous que M. Charest qui voulait par la force ramener un
retour au calme ait atteint le but poursuivi ?
MB : Je ne crois pas en la loi N°
78. Cette loi nous été imposée à
l’Assemblée Nationale par les libéraux aidés par la CAQ de François Legault. En
fait M. Charest n’a fait qu’une chose c’est de jeter de l’huile sur le feu !
Finalement ce qui était un conflit divers au départ est devenu au bout de
bientôt 4 mois un conflit populaire. Pour assister à certaines manifestations je
peux vous affirmer que dans ces manifestations on ne voit que très peu
d’étudiants mais par contre beaucoup plus de grand’mère, d’enfants, de famille,
c’est monsieur et madame Tout-le-monde. C’est une grosse majorité de ceux qu’on
a coutume de qualifier de « majorité silencieuse » qui font beaucoup de bruit en
frappant sur leurs chaudrons. En fait c’est un signal important qu’envoie la
population au gouvernement pour qu’enfin il se rende compte de toutes les
erreurs qu’il a commises. Est-ce que savez que par la loi n° 78, le gouvernement
se donne le droit d’abroger toutes lois que ce soit et qui ne font pas son
affaire, et ce sans même en délibérer devant l’Assemblée Nationale, toujours par
cette loi les policiers peuvent aller fouiller dans les comptes facebook et twitter de n’importe
qui sans autre autorisation. Savez qu’il s’agit d’une claque pour la démocratie,
le barreau de Québec est contre, les droits de la personne sont contre parce
cette loi contrevient directement contre la charte des droits et des libertés
des personnes ?
IG : Mais il y a une chose que je
ne saisis pas très bien. Cette loi a été déférée au Conseil Suprême pour en
apprécier la conformité à la constitution ! Mais de quelle constitution
s’agit-il quand on sait que le Québec depuis 1982 ayant refusé de signer la
constitution imposée par Trudeau ne possède plus de facto de
constitution ?
MB : En fait il faut savoir que
cette constitution que le Québec a refusé de signer nous a été imposée par le
gouvernement fédéral. Nous espérons toujours dans les travaux des
constitutionnalistes Québécois ! Tout ce que je sais c’est que cette loi a été
déférée devant les tribunaux. Des démarches ont été encore faites vendredi
dernier. Les avocats du Québec sont du côté des manifestants. Un avocat a même
annoncé que personne ne paierait les amendes infligées dans le cadre de cette
loi n° 78 par la police que ce soit à Montréal ou ailleurs. Je trouve que les
médias font beaucoup de bruit pour
mettre en exergue un groupe d’agités et de casseurs qui quelquefois font
beaucoup de bruits. Mais l’on sait que dans toutes manifestations il y a des individus qui espèrent toujours se
mettre en exergue et se défouler, et qui ne s’intéressent aucunement aux frais
de scolarité. Mais depuis trois ou quatre jours, il n’y a plus de casseurs. Les
nouvelles manifestations se déroulent sans aucune casse. On voit passer la
parade tout simplement ! C’est maintenant la démocratie qui défile, en pleine
rue et non pas au gouvernement. C’est les gens qui font un pied de nez au
gouvernement qui en s’adressant au
gouvernement lui dise « la démocratie c’est nous et certainement pas
vous ! ».
IG : Mais cette absence de
précision, alors, dans la constitution imposée, pose un autre problème. En
France on voit et on entend dans des émissions radiotélévisées, des manifestants
québécois brandir des pancartes avec les
mots suivants : « Charest, démission » ou « Charest dehors ». Je doute fort que
M. Charest veuille démissionner de son propre chef, il ne peut non plus se voir
infliger une motion de censure car il a
la majorité absolue des députés ? Alors comment voyez-vous une issue à tous ces
problèmes avec les étudiants ?
MB : Peut-être que Charest aura
une idée de génie qui jaillira de sa tête. A l’heure actuelle, au Québec, le
gouvernement Charest est de moins apprécié ! C’est vrai aussi que les québécois
ne savent plus pour qui voter. C’est vrai aussi que les sondages mettent le PLQ
et le PQ à nez à nez avec 32 % de part et d’autres. C’est vrai aussi que les
québécois espèrent que Charest rende sa démission. Mais c’est vrai aussi que
Charest peut rester au pouvoir. Est-ce que l’on peut vraiment parler de
démocratie ? Je ne sais pas ! Si j’avais une entreprise (parce qu’au fond les
gens du gouvernement ne sont ni plus ni moins que les employés du peuple), Je ne
comprendrais pas que lorsqu’on a un
employé incompétent on n’arrive pas à s’en débarrasser, à le mettre à la porte.
En absence d’autres moyens malheureusement, la seule façon de le mettre à la
porte, c’est lors d’un vote ! Comment se fait-il qu’au Québec on ne puisse faire
parler la démocratie que tous les quatre ou cinq ans. Ce n’est pas normal. Cela
aussi devrait être changé au même titre que l’introduction de votes à la proportionnelle.
IG : On pourrait imaginer aussi
la nomination d’un médiateur. Mais dans ce cas ce médiateur devrait être accepté
à la fois par M. Charest et par les
étudiants pour que ses propositions soient acceptées par les deux parties. Ce
que je doute fort M. Charest n’appréciant pas certainement que son travail soit
jugé par une personnalité civile ! A
partir du moment où le premier ministre est partie au problème la solution
devrait peut être venir de la Constitution ou d’un acte
suprême ?
MB : Je vais répondre à votre
question par une autre question. Vous parlez de médiation ! Je serais assez
d’accord avec cette proposition ; Mais M. Charest non seulement est Premier
ministre mais il cumule ses fonctions avec celles de Ministre de la jeunesse.
Alors dites-moi quand M. Charest depuis 4 mois s’est assis à une table de
négociations avec les étudiants pour discuter avec eux ? Quand M. Charest a fait
une déclaration télévisée sur le problème des étudiants à l’adresse des Québécois ? Jamais ! Quand
va-t-il enfin faire son travail ? Quand va-t-il enfin avoir le courage de faire
son travail comme ministre de la jeunesse (c’est son job de ministre !) et pas
le faire faire par quelqu’un d’autre ? Quand les deux parties vont-ils mettre en place des
négociations ?
IG : Au cas ponctuel il semble
qu’il ne soit pas possible de trouver une issue dans la négociation. La
situation semble bien bloquée aujourd’hui, c’est un dialogue de sourds ! M.
Charest veut bien des négociations à condition qu’on ne parle pas des frais de
scolarité et les étudiants ne veulent parler que de cela ! Alors que
faire ?
MB : Il ne reste plus que la
démission de Charest, qu’il annonce des élections et qu’on aille en élections.
La population aurait le dernier mot là-dessus.
IG : Il est certain maintenant
que le mouvement de contestation des étudiants recueille l’assentiment des
étudiants français et celui d’une certaine majorité de la population qui
n’apprécie pas du tout la fameuse loi 78. La France a connu en mai 1968 un
mouvement estudiantin aussi sinon plus violent ! Au début il ne s’agissait que
d’interdire l’accès de la résidence universitaire des filles aux étudiants
garçons. Pour ne pas avoir été réglé en temps opportun ce dossier par le
gouvernement cela s’est transformé en crise de la société française occasionnant
des blessés lors des échauffourées avec
la police, etc. Ne croyez-vous pas que le Québec risque de subir le même sort
?
MB : Je présume que oui parce que
le mouvement commence à rencontrer de la sympathie : à New-York, à Paris, à
Toronto, à Vancouver. Des gens commencent à se réveiller, même en Ontario où des
étudiants commencent à manifester à Ottawa. Finalement je suis en train de
m’apercevoir que le mouvement Québécois est en train de réveiller de nombreuses
personnes. Vous disiez tout à l’heure que les frais de scolarité étaient
beaucoup plus élevés dans toutes les provinces du Canada, mis à part
Terre-Neuve, cependant les gens commencent à se rendre compte que l’éducation
est une valeur sure, un gage de richesse pour l’avenir. Les gens commencent à se
rendre compte qu’on ne peut plus étouffer un étudiant, étant donné qu’ils ne
pourront produire que plus tard. Je crois que quelqu’un qui fait un salaire de
cent mille dollars paient beaucoup plus d’impôts que quelqu’un qui touche que
vingt mille dollars .Alors l’éducation est génératrice de richesses beaucoup
plus qu’un plan Nord !
S’agissant des mouvements
estudiantins français de mai 1968, je crains que vous n’ayez raison et qu’un risque que le mouvement ne dégénère
et ne se fasse jour. A vouloir pourrir le dossier sans le traiter au fond voilà
ce qu’aura gagné le gouvernement ! Au fait on croit que les mouvements ont
commencé à cause de la hausse des frais de scolarité mais en vérité je crains
que cela soit plus profond que cela. Nonobstant les frais de scolarité qui
augmentent très fortement ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase,
c’est le ras le bol général de toute cette politique, c’est vraiment une crise
de civilisation. Les gens ont tous quelque chose à contester contre ce
gouvernement. La majorité silencieuse commence à se rendre compte qu’elle a
acquis un certain pouvoir contre les politiques. Un pouvoir qu’elle ne savait
pas qu’elle possédait et cela peut aller beaucoup plus loin que les mouvements
actuels de contestation. Pour l’instant tout le monde frappe sur sa casserole,
mais pour combien de temps encore ? Les gens sont en train de se réveiller, ils
sortent d’une longue hibernation !
M. Michel Bertrand se tient à la
disposition des lecteurs de son interview pour répondre à leurs commentaires à
l'adresse suivante :
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