Radio-Canada.ca nous apprenait que M.Duchesneau aurait lui-même fait parvenir le résultat de l'enquête sur l'anti-collusion aux journalistes, ce qui aurait obligé le gouvernement Charest a créer la Commission Charbonneau.
Voici l'article intégral mis en ligne sur MSN Actualités:
L'ex-patron de l'Unité anticollusion (UAC), Jacques Duchesneau, a admis jeudi
à la commission d'enquête sur l'industrie de la construction qu'il a lui-même
divulgué son rapport final à une journaliste à l'automne 2011.
Le rapport a été révélé par la journaliste de Radio-Canada Marie-Maude Denis
à l'automne 2011.
M. Duchesneau a expliqué avoir pris cette décision après avoir rencontré le
ministre des Transports de l'époque, Sam Hamad, le 1er septembre 2011, pour lui
présenter son rapport final sur les activités de l'UAC. Il dit que le ministre
ne l'« écoutait pas », et qu'il a alors acquis la conviction que le rapport
allait aboutir sur une tablette.
« Je n'ai pas été impressionné par la réception que j'ai eue du ministre, je
n'ai pas senti que ça l'intéressait », avait précédemment expliqué Jacques
Duchesneau. « J'ai tenté de faire une présentation [...] mais je n'étais pas la
saveur du jour », a-t-il laissé tomber. « J'ai été obligé d'aller un peu plus
vite que prévu ».
M. Duchesneau a expliqué les révélations de son rapport : les dizaines de
stratagèmes qu'utilisaient les collusionnaires pour soutirer de l'argent au
ministère des Transports, l'infiltration de l'industrie par le crime organisé,
la violence utilisée par certains pour intimider de petites entreprises et le
lien que l'industrie entretient avec le financement des partis politiques.
À la fin de la rencontre, un membre de l'UAC a voulu remettre une copie du
rapport au ministre, mais celui-ci n'a même pas « voulu mettre ses empreintes
digitales dessus », a affirmé M. Duchesneau.
Lorsque le procureur Claude Chartrand lui a demandé pourquoi il avait
divulgué le rapport, M. Duchesneau a répondu : « Les membres de l'équipe n'ont
pas fait ce travail pour que ça aille sur une tablette et après ma rencontre
avec le ministre Hamad, j'étais convaincu que c'était pour aller sur une
tablette ».
« Je vous ai dit dans mes commentaires préliminaires que je parlais au nom
d'à peu près 500 personnes et moi je sais les engagements qu'on avait pris
auprès de ces personnes, et il n'était pas question que ça aille sur une
tablette », a-t-il ajouté.
M. Duchesneau a expliqué qu'il avait soumis son projet de rapport final deux
jours plus tôt au chef de cabinet de M. Hamad, Steve Leblanc. Le rapport avait
aussi été présenté à des responsables politiques et d'autres employés du
ministère des Transports le 4 août pour valider les informations qu'il
contenait.
M. Duchesneau a laissé entendre à mots couverts que la discussion avec
M. Hamad avait été musclée. Il dit qu'il n'avait pas rencontré le ministre
depuis le 18 novembre 2010, en référence à la rencontre au cours de laquelle M.
Hamad avait proposé de suspendre M. Duchesneau de ses fonctions en raison
d'allégations d'irrégularités lors de la course à la mairie de Montréal à
laquelle il avait participé en 1998.
Lorsque le ministre Hamad lui a dit qu'il le soutenait, il a ouvert « une
petite case qu'il n'aurait pas dû ouvrir », a dit M. Duchesneau. « Je lui ai
dit : "Je trouve ça inconcevable de ne pas avoir eu de vos nouvelles depuis un
an" ». M. Hamad a prétexté que ses adjoints lui avaient dit ne pas le contacter
et qu'ils allaient s'en occuper eux-mêmes.
« Il a ouvert la porte et il a eu la réponse que je pense qu'il méritait », a
déclaré M. Duchesneau.
Le ministre Hamad a réagi aux propos tenus en commission par M. Duchesneau en
se disant désolé qu'il ait cru qu'il n'était pas intéressé par son rapport et a
parlé d'une mauvaise impression.
Sur la préparation du rapport
Auparavant, M. Duchesneau avait expliqué à la commission d'enquête sur
l'industrie de la construction comment a été préparé le rapport qui a été révélé
par Radio-Canada à l'automne 2011.
Me Claude Chartrand, qui mène l'interrogatoire, a cherché à faire ressortir
que le rapport de l'Unité anticollusion a été préparé en étroite collaboration
avec des responsables politiques et des spécialistes du ministère des Transports
du Québec.
L'interrogatoire est passé rapidement sur la période de trois mois pendant
laquelle M. Duchesneau s'est retiré de l'UAC, en raison d'allégations
d'irrégularités dans le cadre de sa campagne à la mairie de Montréal dans les
années 90.
L'ex-patron de l'UAC a expliqué qu'il avait proposé de démissionner en
novembre 2010, après que le ministre Sam Hamad eut considéré la possibilité de
le suspendre en raison de ces allégations, diffusées par TVA et le Journal de
Montréal.
M. Duchesneau a finalement repris ses fonctions en février 2011, après avoir
été blanchi par le Directeur général des élections. Les travaux de l'UAC avaient
bien progressé pendant les trois mois de son absence.
L'UAC s'attelait à cette époque à faire des diagrammes de relations afin de
comprendre les ramifications des principaux joueurs dans l'industrie de la
construction. On se rendait compte, a-t-il dit, qu'une compagnie pouvait en
posséder 70 autres.
Ces diagrammes ont d'ailleurs été déposés en preuve par le procureur
Chartrand, mais ils ont été placés sous scellé, afin de ne pas compromettre les
enquêtes en cours.
M. Duchesneau dit que son équipe a mis au jour 66 stratagèmes utilisés par
les principaux joueurs de l'industrie, qu'il a qualifiés d'« oligarques ». Ce
sont ces « oligarques », peu nombreux, qui peuvent déterminer qui obtient ou
n'obtient pas un contrat, a-t-il expliqué.
L'ex-patron de l'UAC s'est aussi attardé au manque d'imputabilité des firmes
de génie-conseil qui, dit-il, commettaient des erreurs grossières dans leurs
plans et devis, erreurs dont profitaient ensuite des entreprises avec lesquelles
elles étaient de mèche.
Le témoignage de l'ex-patron de l'UAC s'est terminé exceptionnellement à
12 h 30, l'avocat du témoin ne pouvant être présent en après-midi. Le témoignage
se poursuivra lundi.
M. Duchesneau a expliqué mercredi qu'il a failli démissionner au début du
mois de mars 2010, après qu'on eut insisté pour qu'il signe un affidavit en
11 points qu'il trouvait « insultant ».
L'UAC, a-t-il aussi révélé, n'avait alors aucun moyen, aucun pouvoir et
manquait cruellement de ressources. « On était des citoyens qui allaient poser
des questions aux gens », a dit M. Duchesneau. « J'étais dans un carcan. »
L'UAC, aujourd'hui intégrée à l'Unité permanente anticorruption (UPAC),
n'aura par ailleurs jamais eu ses propres bureaux. L'unité, a-t-il déclaré,
« squattait » les bureaux du sous-ministre à Montréal.
L'UAC n'a jamais eu non plus de budget de fonctionnement. « C'est le
sous-ministre qui gérait notre budget. Quand j'avais besoin de ressources, je
m'adressais à lui », a-t-il dit.
Un rapport qui a fait grand bruit
Jacques Duchesneau avait conclu dans le rapport divulgué par Radio-Canada que
des ingénieurs de firmes de génie-conseil et des employés de Transports Québec
fournissent des informations privilégiées à des entrepreneurs en construction.
Ces firmes peuvent ainsi remporter des contrats en présentant la meilleure
soumission. Ils font ensuite gonfler la facture grâce à des suppléments, aussi
appelés « extras ».
La perte d'expertise à Transports Québec, soulignait-il, crée un terreau
fertile à de nombreuses dérives.
L'ex-policier affirmait en outre qu'un « grand nombre d'entreprises
québécoises du domaine de la construction entretiennent des liens avec des
organisations criminelles ».
Le crime organisé, qu'il a plus tard assimilé à un véritable « acteur
étatique », utilise, selon lui, l'industrie de la construction pour blanchir
l'argent qu'il retire du trafic de drogues.
Un article de François Messier
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